15 décembre 2010

Les Inrockuptibles

Clotilde Hesme dans Baal (Mathias Augustyniak M&M)

Clotilde Hesme dans Baal (Mathias Augustyniak M&M)

Avec Clotilde Hesme, Baal renaît de ses cendres

Sublime, forcément sublime, Clotilde Hesme incarne Baal de Bertolt Brecht avec charme et justesse dans la mise en scène de François Orsoni.

Rares sont les spectacles qui trouvent la force d’avoir deux vies. Dézingué au lance-flamme et enterré vivant (à juste titre) par la critique en Avignon, la mise en scène de François Orsoni de Baal de Bertolt Brecht a trouvé enfin son juste timing après une tournée en province. Métamorphosée, la pièce, telle que nous l’avons redécouverte sur la scène du théâtre de la Bastille, s’avère un petit bijou antisocial aussi tranchant et brillant qu’un diamant noir. 

Laissez venir à moi les petits enfants aurait pu dire Baal, car quand Baal renaît de ses cendres, il en sort transfiguré…Et, tout ce qui paraissait maladroit et réducteur dans la proposition s’avère aujourd’hui aussi juste qu’élégant dans un jeu recadré sur la magnifique interprétation de Clotilde Hesme. 

La belle idée d’offrir à une femme le rôle de Baal prend alors sens et rarement le poète anarchiste à qui personne ne saurait résister n’avait habité un corps (aussi déterminé, séduisant et fragile) dans un tel accord avec la légende libertaire inventée par le jeune Brecht en 1918. 

Trouble modernité d’une sexualité libérée des tabous, rapport sans pose à l’égard de la poésie, fulgurance d’un parcours qui jamais ne se renie, rien ne manque à Baal jusqu’à l’opprobre d’une naissance qui n’aurait pu que réjouir Brecht. Vive Baal et Clotilde Hesme l’irréductible. 

Patrick Sourd